Les bases

Est-ce que les hommes peuvent être féministes ?

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Grosse question. J’entends encore une connaissance me dire « non ils ne peuvent pas se dire féministes, ce sont des alliés », et une autre me dire « il ne faut pas voir le féminisme comme une lutte, parce que ça fait des hommes les ennemis, et on n’avance pas avec cette idée-là ».

La question revient souvent, parfois avec un peu de gêne ou d’ironie : un homme peut-il vraiment être féministe ? L’idée semble encore déranger, comme si le féminisme était une affaire de femmes, un combat réservé à celles qui en subissent les conséquences directes. Pourtant, réduire le féminisme à un “mouvement de femmes pour les femmes” en trahit le sens profond. Car le féminisme, dans son essence, n’est pas un champ clos : c’est un projet de société, une invitation à repenser les rapports de pouvoir et à construire des relations plus justes, plus libres, plus humaines. Et dans cette construction, les hommes ont toute leur place.

Le féminisme n’est pas l’inverse du machisme

Beaucoup d’hommes se méfient encore du mot “féminisme”. Ils craignent qu’il ne s’agisse d’une revanche, d’un rejet des hommes ou d’un discours culpabilisant. Mais c’est un contresens. Être féministe, ce n’est pas vouloir dominer à son tour, ni accuser en bloc la moitié de l’humanité. C’est reconnaître qu’un système — le patriarcat — a historiquement avantagé les hommes et enfermé les femmes dans des rôles, des attentes, des contraintes. C’est aussi admettre que ce système, tout en profitant aux hommes en apparence, les blesse eux aussi : il leur impose la virilité, la force, le silence, la réussite à tout prix. En somme, il enferme tout le monde.

Le féminisme offre donc aux hommes une super occasion : celle de se libérer de modèles étroits, de relations fondées sur la domination ou la peur, et d’apprendre à construire autrement. Ce n’est pas une perte de pouvoir, mais un gain de liberté.

Que peuvent faire les hommes ?

La première étape, c’est d’écouter. Pas pour se flageller, ni pour “valider” la parole féminine, mais pour comprendre. Écouter les récits de sexisme ordinaire, les expériences de harcèlement, les inégalités invisibles. Et admettre que si, personnellement, on n’a pas agi de cette façon, on vit tout de même dans un système qui en permet l’existence. C’est ce que certaines féministes appellent la responsabilité collective.

Face à cela, beaucoup d’hommes réagissent par le fameux “Not All Men”. “Tous les hommes ne sont pas comme ça”, affirment-ils — et c’est vrai. Mais ce réflexe, bien qu’humain, détourne la conversation : il transforme une discussion sur les femmes en débat sur la susceptibilité masculine. Le problème n’est pas de savoir si toi tu es un “gentil” ou un “méchant” homme, mais de reconnaître que les comportements sexistes sont systémiques. Dire “pas tous les hommes” revient à dire “pas mon problème”. Or, si tu veux vraiment faire partie de la solution, c’est justement là qu’il faut regarder : ton rapport au pouvoir, à la parole, aux émotions, à la manière dont tu occupes l’espace — symbolique ou réel.

Agir dans la vie quotidienne

Concrètement, soutenir le féminisme, ce n’est pas forcément descendre dans la rue (même si c’est bienvenu). C’est déjà faire attention aux détails : ne pas couper la parole aux femmes en réunion, partager équitablement les tâches domestiques, élever ses fils sans leur dire qu’“un garçon, ça ne pleure pas”. C’est aussi s’opposer à une blague sexiste, ne pas rire. C’est lire, s’informer, questionner ses réflexes. Ce sont ces gestes-là, accumulés, qui changent les mentalités.

Et puis, il y a la sphère publique. Des figures comme Barack Obama ou Justin Trudeau ont montré qu’un homme pouvait défendre l’égalité sans que cela diminue son autorité ni sa légitimité. Tous deux ont publiquement revendiqué leur féminisme. Trudeau a nommé un gouvernement paritaire, Obama a écrit des textes bouleversants sur la manière dont l’égalité des sexes améliore la société tout entière. Leur engagement montre que soutenir les femmes, ce n’est pas une posture morale : c’est une vision politique, une promesse d’avenir.

Pourquoi les hommes ont tout à y gagner

Le féminisme ne vise pas à exclure les hommes, mais à repenser le vivre-ensemble. En défendant l’égalité, les femmes réclament aussi une société plus saine, moins violente, moins hiérarchique. Dans cette société-là, les hommes ont aussi le droit d’être vulnérables, tendres, présents pour leurs enfants, libérés de la pression de “performer” sans cesse.

Alors, oui, tu peux être féministe. Pas en t’auto-proclamant “allié” une fois pour toutes, mais en acceptant de te remettre en question, d’apprendre, de parfois te tromper. Ce n’est pas une posture figée : c’est un chemin, un engagement quotidien.

Et si tu te demandes par où commencer, commence par regarder autour de toi. Par écouter les femmes de ta vie, par t’interroger sur tes propres habitudes. Le féminisme n’attend pas que tu sois parfait. Il te demande juste d’être sincère, curieux, courageux. Parce que l’égalité, au fond, n’est pas une faveur qu’on accorde : c’est un monde qu’on construit ensemble — et ce monde-là, tu en fais partie.